Dans le dossier de sûreté qui accompagnait l’installation de stockage en surface, nous avions considéré le béton armé classique comme matériau de référence pour la fabrication des caissons qui contiendront les déchets radioactifs de faible et moyenne activité et de courte durée de vie. Mais en raison d’une forte sensibilité du béton armé au phénomène de corrosion, nous ne pouvions pas stocker les déchets présentant une concentration élevée de chlorures.

Nous avons donc lancé une étude sur l’utilisation du béton fibré car il présente plusieurs avantages, notamment une meilleure résistance à la corrosion. Le point avec Erik Coppens, un de nos spécialistes du béton.
Pourquoi le béton est-il un élément essentiel de la future installation de stockage ?
Erik : « Les fûts contenant les déchets radioactifs destinés à la future installation de stockage en surface seront encapsulés avec du mortier dans les caissons en béton. Il en résultera des « monolithes » qui seront transportés jusqu'au site de stockage où ils seront placés dans des casemates en béton (ou « modules »). Grâce à leurs propriétés favorables, le béton et le mortier isoleront les déchets et confineront les substances radioactives. Il s'agit de deux des aspects les plus importants de la sûreté de l’installation. »
Qu’est-ce qu’un béton fibré ?

Erik : « Le béton fibré est fabriqué selon une formule spécifique, par incorporation homogène de fibres. C’est un béton amélioré, renforcé grâce à ces fibres qui sont généralement en acier. Un béton armé classique, par contre, est uniquement renforcé par des armatures.
De nombreux ouvrages en béton font appel à une solution hybride : béton armé et béton fibré car les fibres permettent de diminuer le nombre d’armatures nécessaires. Mais pour les caissons de l’installation de stockage en surface, nous privilégions à ce stade un béton entièrement fibré avec des fibres en acier inoxydable. Nous n’écartons toutefois pas la possibilité d’y ajouter un nombre très limité d’armatures si cela s’avère nécessaire. »
Pourquoi avoir lancé un programme de RD&D sur le béton fibré ?
Erik : « En présence d’un environnement agressif, comme c’est le cas des déchets avec une forte concentration en chlorures, les armatures du béton armé ont tendance à corroder avec le temps. Cette corrosion provoque à terme des fissures dans le béton qui pourraient compromettre la sûreté de l’installation. C’est notamment pour cette raison que jusqu’à présent, les déchets de faible et moyenne activité et de courte durée de vie présentant une forte concentration de chlorures ne peuvent pas être stockés dans la future installation en surface.
Pour optimiser l’installation de stockage, nous avons lancé un programme de recherche et de démonstration qui a confirmé que l'utilisation d'un béton fibré présente plusieurs avantages. En termes de durabilité et de sûreté tout d’abord : le béton fibré offre une meilleure résistance à la corrosion. Les tests effectués montrent que les effets de la corrosion sur le béton fibré sont plus lents et surtout moins invasifs que sur le béton armé. En effet, le béton armé finit par se fissurer sous l’effet de la corrosion et s’effriter, ce qui peut aggraver les effets de la corrosion.
Le béton fibré présente également des avantages en termes de sécurité : il ne nécessite pas la fabrication d'une cage à barres d'armature, ce qui réduit les risques d'erreurs, d’accidents lors de la fabrication, et les coûts. »
Des tests en laboratoire et dans l’usine de caissons
Erik : « Plusieurs compositions de béton fibré ont été conçues et testées en laboratoire avant d’aboutir à la composition idéale. Les tests en laboratoire ont confirmé la résistance mécanique de la composition que nous avons retenue et ont donné un premier aperçu de sa mise en œuvre. Cette composition a ensuite été testée sur site, dans l’usine qui fabriquera les caissons. Les tests sont encore en cours. Les premiers résultats montrent toutefois que la résistance du béton fibré fabriqué sur site et en laboratoire est comparable. Ils démontrent également l’ouvrabilité de ce matériau pour fabriquer les caissons. »

Une production optimisée
Erik : « À la suite de cette recherche, nous sommes parvenus à optimiser la méthode de production des caissons. Afin d’augmenter la qualité de la production, nous avons ainsi testé plusieurs procédés en utilisant la méthode des plans d’expériences (DoE-Design of Experiments) pour quantifier l’effet des différents paramètres de production. Depuis lors, nous continuons à contrôler la fabrication des prototypes de caissons afin de garantir la poursuite de l’optimisation.
Si, in fine, nous optons pour le béton fibré, nous devrons adapter le dossier de sûreté de l’installation de stockage dans ce sens et le faire valider par l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN). L’industrialisation du processus de fabrication pourra être prévue à moyen terme. »